Les géants de roche
On appréhendait un peu la visite du parc national qui protège Uluru, surtout que nous arrivons en pleine période de vacances scolaires. Pour les australiens aborigènes et pour les australiens européens, Uluru est une icône. Rocher sacré ou merveille de la nature, le plus gros monolithe du monde impose. Pour les touristes, c’est un passage obligé. Mais nous, on est venu en Australie pour avoir de l’espace. On n’aime pas trop être serré… alors on a eu un peu peur lorsque l’on a vu la quantité de bus déverser des flots de touristes.
Mais bizarrement, on a pu profiter en toute intimité.
Le sentier d’une dizaine de kilomètres qui longe la base d’Uluru est désert, et nous permet d’apprécier l’envergure et la beauté majestueuse de ce géant de roche. Certaines parties sont sacrées et nous respectons la volonté du peuple Anangu de ne pas photographier ces endroits. Cette promenade calme inspire un certain recueillement, la beauté d’Uluru n’est pas qu’extérieure. Sous sa surface rouillée les histoires vivent…
La Mala Walk, une petite marche guidée par un ranger du parc, nous introduit à la culture Anangu, le peuple aborigène qui a occupé la région depuis plus de 22 000 ans. Il fallait développer d’incroyables compétences pour survivre dans un milieu pareil !
On file en apprendre plus au centre culturel, qui n’est pas très fréquenté lui non plus. Le peuple Anangu y partage sa culture et son histoire autour de films et d’expositions riches et joliment mises en scène. C’est vraiment super intéressant. On absorbe tout ce qu’on peut, on pourrait y passer des jours…
L’expansion de l’industrie d’élevage et l’ouverture du site au tourisme dans les années 40 a largement détérioré les conditions de vie des Anangu, qui ont préféré partir. Suite à leur départ, des centaines d’espèces d’animaux ont disparu de la région. Des incendies incontrôlés ont ravagé une partie de la flore. C’est à ce moment-là qu’on a réalisé que le mode de vie des aborigènes avait un impact positif sur leur environnement. Il a suffit de quelques années pour que l’on saccage un écosystème riche qui vivait en harmonie depuis plus de 22 000 ans…
Maintenant, le département des parcs nationaux et le peuple Anangu essaient de travailler conjointement pour restaurer et protéger ce lieu.
Moins connu et moins visité qu’Uluru, les Kata Tjuta s’érigent 40km, à l’Ouest rompant la monotonie de la ligne d’horizon. Une petite randonnée paisible serpente aux pieds de ces 38 monolithes. On prend le temps de ressentir l’importance et le caractère sacré de ce lieu étonnant…
Mais alors, où sont tous ces gens ?!
La foule s’entasse principalement sur les plates-formes d’observation du coucher et du lever du soleil sur les monolithes… le temps d’un cliché, puis s’évapore à nouveau.
Les gens se pressent aussi sur le sommet du rocher pendant la journée. Là où la culture européenne pousse l’homme à grimper pour planter son drapeau, la culture aborigène demande à l’homme de regarder d’en-bas… Bien que cette ascension soit autorisée (ça semble être un débat complexe et non résolu entre les Anangu et le gouvernement), les rangers du parc tentent d’en dissuader les visiteurs. L’ascension est difficile et les opérations de secours sont fréquentes. Les morts attristent les Anangu qui s’en sentent responsables. Les milliers de pas érodent chaque jours la roche fragile, des gens perdent leur téléphone portable, leur appareil photo, laissant derrière eux une somme non négligeable de déchets toxiques qui se libèrent sous la chaleur, et on retrouve même de l’urine dans les trous d’eau sacrés, en bas du rocher…
Un peu de bon sens et de sensibilité pour respecter cette nature et cette culture, serait-ce trop demander ? Ces rois de la survie qui ont su préserver et même enrichir leur environnement sur des dizaines de milliers d’années ont beaucoup à apporter à nos sociétés modernes… Nous, en tous cas, ça nous inspire beaucoup de respect !
A quelques centaines de kilomètres de là, nous entrons dans le parc national de Watarrka. La terre sèche et la roche oxydée s’étendent à perte de vue… Rien ne bouge, le climat aride de l’hiver ne semble pas très propice à la vie. Mais au fil du sentier, on découvre quelques coins de paradis préservés. La vie explose autour des points d’eau et des failles ombragées.
La randonnée autour de King’s Canyon est à couper le souffle. On commence au fond du canyon. Les parois montent jusqu’à toucher le ciel. Le chemin grimpe à son tour pour nous mener au bord du précipice. La vue est vertigineuse, les formes incisives et les couleurs vives. Nous longeons la falaise avant de descendre dans le «Jardin d’Eden», un havre de verdure qui protège quelques espèces endémiques et des fougères préhistoriques. Mais nous sommes un peu déçus de ne pas pouvoir profiter plus tranquillement de cette journée. Il y a trop de monde. On est de plus en plus insupportés par les gens bruyant et qui manquent de respect… On se retient d’en pousser quelques uns dans le ravin !
On gardera malgré tout des très belles images en tête. On essaiera d’éviter les lieux touristiques en période de vacances la prochaine fois !
Justine B. 19 octobre 2015 - 23 h 04 min
Quand les montagnes sont bleues, on dirait des mirages, qu’elles flottent au dessus de la plaine…
Avec votre rythme différent, vous êtes devenus allergiques à la foule, je comprends tellement bien! Le pire moment de ma semaine est le métro à 8h du matin (torture!!).
Au Canada, je suis aussi en train de toucher du doigt la question des premières nations (métaphore pour amérindiens et tout et tout). Les immigrants européens sont arrivés, ont installé leurs façons de vivre et aujourd’hui encore on fait passer les oléoduc au milieu des montagnes sacrées des autochtones (oui, ya pas beaucoup de place au Canada, pas moyen d’éviter hein!). C’est quelque chose qu’on ne connait pas en Europe, ce sentiment d’avoir colonisé une terre sur laquelle des gens vivaient en harmonie avant qu’on arrive avec nos gros sabots. Certains s’en fichent mais j’ai discuté avec des québécois qui se sentent coupables de ça. C’est une grande question et je pense qu’elle est assez similaire en Australie et en Amérique. Je pense qu’aujourd’hui il faut améliorer et respecter les droits des peuples natifs mais il est difficile de juger les actions des immigrants de l’époque qui ont traversé des océans et sont arrivés dans des territoires tellement différents et d’apparence vraiment hostile.
Oui, voilà, moi j’aime bien raconter ma vie aussi sur ton blog 😉
Bisous les zamis et continuez à vous retenir de jeter des gens dans les ravins, c’est mieux !
zoomtheglob 23 octobre 2015 - 6 h 08 min
Ahah, merci Justine, on va faire ce qu’on peut pour se retenir des meurtres ! On gère on gère 😉
J’avais aussi pensé aux peuples natifs d’Amérique quand on a commencé à apprendre tout ça, et je m’étais dit que ça devait être pareil. Peu de monde sur d’immenses territoires… et un gros contraste avec la culture occidentale qui débarque sans comprendre. Mais comme tu dis, c’est difficile de juger une époque, la mentalité générale de nos arrière arrière arrière… grand parents. Mais ici, il y a même encore un retard dans l’amélioration de la vie des natifs, la reconnaissance de leurs droits et de leur terre. C’est drôle parce que les européens sont arrivés avec la notion de propriété, chose que les natifs n’avaient pas. Et quand les aborigènes réclament leur droit de propriété, c’est une autre histoire… Mais bon, ça a l’air d’être en train de changer, et comme tout, il faut du temps !
Mais c’est super intéressant d’essayer de comprendre tout ça et d’en apprendre un peu plus tous les jours.
Merci pour tes passages par chez nous ma poule !
Annie 22 octobre 2015 - 23 h 08 min
Il va peut-être falloir commencer à s’habituer à la foule si vous voulez revenir par l’Asie: c’est souvent la surpopulation là bas non?
Enfin je vous fais confiance pour dénicher les meilleurs spots. Vous êtes devenus des globe-trotteurs professionnels! Continuez sur votre lancée!
zoomtheglob 23 octobre 2015 - 6 h 10 min
C’est pas faux, ça. 🙂 Le contraste risque d’être assez brutal, mais on va s’y faire. Ca fera surement des notes marrantes sur le blog. Merci maman !